Hommage à Georges Perec. Afin de célébrer le trentième anniversaire de sa mort, voire de sa " disparition* ", le 3 mars 1982, J'ai créé, en série limitée (30 exemplaires), une plaque émaillée (30 x 26 cm), signée et numérotée. Réalisée au pochoir et cuite à 800°c.
- La Disparition
Membre de l'Oulipo, Georges Perec considérait que les contraintes formelles sont un puissant stimulant pour l'imagination. Il a donc choisi dans ce roman l'utilisation du lipogramme pour écrire une oeuvre originale, dans laquelle la forme est fortement liée au fond. En effet, la disparition de cette lettre e est au coeur du roman, dans son intrigue même ainsi que dans son interrogation métaphysique, à travers la disparition du personnage principal, au nom lui-même évocateur : Anton Voyl. Le lecteur suit les péripéties des amis d'Anton qui sont à sa recherche, dans une trame proche de celle du roman policier. Absence, vide, manque, virginité, silence, énigme, tels sont les thèmes principaux de ce livre fondé sur le jeu et le défi technique, au service d'une écriture extrêmement souple et littéraire.
Le défi est colossal puisque l'oeuvre comporte (approximation) 300 pages x 30 lignes x 40 lettres par ligne = 360 000 lettres; sachant que le " e " revient environ une fois sur six lettres en français, c'est donc d'environ 60 000 " e " que Perec a choisi de se passer. L'intérêt de ce roman dépasse toutefois de très loin la démonstration d'une simple virtuosité technique et formelle.
Les thèmes de la disparition et du manque sont extrêmement liés à la vie personnelle de Georges Perec. Ainsi, il est évident que le " e " qui manque au livre se réfère au " eux " que représentent ses parents (son père meurt au combat en 1940 et sa mère est déportée à Auschwitz début 1943), voire au " eux " que sont les Juifs déportés pendant la seconde guerre mondiale. Le livre débute d'ailleurs par la description d'un climat de violence et d'assassinats généralisés qui évoque très clairement la guerre, et la déportation des Juifs y est expressément nommée; en outre, la trame du roman est une vengeance clanique comportant l'assassinat systématique d'une partie de famille. En écrivant ce roman, Perec parle donc du drame majeur de son existence personnelle. |